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BIP N° 52 - Le mur du sud

Le mur de Berlin est tombé. Ce n’était que du béton. Un nouveau mur s’élève autour de la France, autour de l’Europe, un mur blindé fait de photos scannées, de passeports et de visas comportant des données biométriques, de tests ADN, de procédures compliquées à loisir par tous les moyens qu’offre l’informatique pour barrer la route des migrations, fussent-elles de droit. Notre gouvernement français n’en néglige pas pour autant la violence policière traditionnelle et l’arrestation d’enfants de six ans dans la cour de leur école. La régression du respect des normes démocratiques envers les étrangers dans notre pays frappe de nullité une partie de la politique étrangère de la France, plus particulièrement dans le bassin Méditerranéen et en Afrique francophone. Cette politique devient chaque jour plus illisible et incohérente.
 
On lance d’un côté un projet d’Union Méditerranéenne qui pourrait être prometteur si l’on ne construisait pas au même moment un mur scindant la Méditerranée en deux. Que voient nos partenaires du nord de l’Afrique lorsqu’on leur montre une main tendue alors que la deuxième brandit le fer de lois toujours plus dures contre leurs ressortissants sur notre sol ou désireux d’y venir ? Dans un tel contexte, ce projet n’a malheureusement aucune crédibilité. Il n’est que le cache-sexe d’une politique qui n’a pour unique souci que de verrouiller toujours plus les frontières, sans se préoccuper du progrès social et du développement de nos voisins du sud.
 
Les tests ADN sont marqués du sceau de l’hypocrisie comme tout le texte Hortefeux. Sous prétexte de faciliter la preuve de leur état civil aux familles migrantes, l’institution des tests ADN fait de la suspicion une norme et aura pour principale conséquence de restreindre toujours plus le droit des familles à vivre ensemble. Soyons conscients aussi que bien souvent, les dispositions que la droite commence par proposer pour les étrangers finissent pas s’étendre à l’ensemble des habitants de la France. Citons le cas des contrôles d’identité depuis 1993 jusqu’à nos jours. Comme si les étrangers en France étaient considérés comme des cobayes pour tester des dispositions avant de les appliquer à tous.
Surtout, nous gardons tous présents à l’esprit les crimes contre l’humanité qu’ont provoqué la croyance bien établie en la prééminence de la génétique dans l’organisation sociale, en Europe au XIXème siècle et jusque pendant la dernière guerre mondiale. Ce danger est toujours présent comme en témoignent les discriminations au faciès en Europe et les massacres interethniques toujours renaissants.
 
Ne nous méfions pas d’une brique, d’une pierre, d’un sac de ciment. Et pourtant on en fait des murs. Soyons vigilants sur chaque procédure, qu’elle paraisse indolore ou qu’elle nous choque par sa violence. Leur accumulation dresse les murailles de l’exclusion. 
 
Monique Cerisier ben-Guiga

Publié le 12 octobre 2007