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Bilan de la présidence française du Conseil européen en matière d'immigration et d'asile

Le 9 décembre, c’est-à-dire la veille du 60e anniversaire de la déclaration universelle des droits de l’homme, les gouvernements européens – à l’exception du gouvernement belge, qui s’est abstenu – ont adopté en catimini la très controversée directive « retour » qui avait été votée par le Parlement européen le 18 juin dernier. Rappelons que ce texte inique institutionnalise l’enfermement des étrangers en situation dite irrégulière. Ces personnes pourront être enfermées pendant dix-huit mois avant d’être expulsées et interdites de séjour sur le territoire européen pendant cinq ans. Elles pourront être renvoyées dans les pays par lesquels elles n’ont fait que transiter. Quant aux étrangers mineurs isolés, ils pourront être expulsés vers un pays tiers où ils n’ont pas de famille.

Il y a fort à craindre que la transposition de ces dispositions inacceptables dans les législations des Etats membres porte gravement atteinte aux droits de la personne et aux libertés fondamentales. Certains pays n’ont même pas attendu l’adoption définitive de ce texte pour proposer de durcir leur législation. Ainsi le gouvernement italien a-t-il décidé de doubler le nombre de centres de rétention et envisagé de porter à 18 mois la durée de rétention, aujourd’hui limitée à 60 jours.

Cette « directive de la honte » a été approuvée quelques jours seulement avant la fin de la présidence française du Conseil européen, dont le bilan en matière d’immigration et d’asile est globalement négatif.

Le Pacte européen sur l’immigration et l’asile était présenté comme la principale priorité de cette présidence. Il a été adopté à Vichy – le symbole est très fort – lors de la réunion des ministres européens en charge de l’immigration, les 3 et 4 novembre derniers. Ce texte est très dangereux car il vise à construire une « Europe forteresse » en luttant contre une soi-disant immigration « subie ».

Ce n’est pas la présidence française mais la commission européenne qui aura été à l’origine de la seule initiative positive prise au cours de ces six derniers mois. Le 3 décembre, elle a en effet présenté des mesures visant à harmoniser par le haut les conditions d’accueil des demandeurs d’asile. Elle propose notamment de suspendre le renvoi des demandeurs d’asile, en vertu du règlement de Dublin, vers les Etats membres qui ne peuvent pas leur garantir un niveau de protection suffisant. Il est également question de mieux prendre en considération l’intérêt supérieur des mineurs non accompagnés et d’introduire des garanties supplémentaires en matière de recours contre les décisions de transfert. La Commission propose aussi de faciliter l’accès au marché du travail pour les demandeurs d’asile et de leur faciliter l’exercice du droit au regroupement familial. Toutefois, il n’est pas inutile de préciser que la plupart de ces dispositions devront être examinées par le Parlement européen après les élections du 6 juin prochain. D’où l’impérieuse nécessité d’élire des députés progressistes.

La République tchèque s’apprête à prendre le relais de la France. L’immigration ne semble pas faire partie de ses priorités. Pour autant, nous devons poursuivre notre combat et proposer une autre politique des migrations.

Richard YUNG

Publié le 15 décembre 2008