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BIP n° 31 - Pénalisation de la négation du génocide arménien : une loi inutile et néfaste - 12/10/2006

L’Assemblée nationale a adopté le 12 octobre une proposition de loi socialiste instituant des sanctions à l’encontre de ceux qui ne reconnaîtraient pas le génocide arménien. Cette loi, qui je le souhaite ne recevra pas l’aval du Sénat, est à mon avis inutile et extrêmement néfaste, pour plusieurs raisons.

D’abord, la loi Gayssot réprimant l’apologie des crimes contre l’humanité est suffisante, à condition d’y intégrer les génocides. Mieux vaudrait modifier la loi Gayssot qu’ajouter une nouvelle loi. On pourrait alors abroger la loi de 2001.
Ensuite, ce n’est pas à la loi de fixer l’Histoire. Il y a là une dérive dangereuse et liberticide. D’autres États ont sans doute reconnu le génocide arménien (11 seulement) mais aucun n’a osé pénaliser sa négation.
D’autre part, pourquoi choisir de s’intéresser particulièrement au génocide arménien (il y en a hélas bien d’autres : à quand une loi sur le génocide rwandais, ou ceux commis dans l’ex-Yougoslavie ?), si ce n’est pour sanctionner la Turquie, ou complaire à l’électorat arménien ?
Ce vote est, surtout, particulièrement malvenu alors que la Turquie entame un processus d’exploration de ce passé jusqu’alors totalement occulté. Ainsi que l’ont déclaré des intellectuels turcs non suspects de négationnisme (comme le journaliste de langue arménienne Hrant Dink, le président de l’université de Galatasaray, ou encore le patriarche arménien), cela ne peut que figer ce processus et fermer ce qui était en train de s’ouvrir.
Enfin, comme l’a souligné Olli Rehn, commissaire européen à l’élargissement, cette proposition de loi va immanquablement avoir des répercussions sur les relations entre la Turquie et l’Union européenne, et menacer le processus d’adhésion en cours. Peut-être est-ce son but ?

Il est fort regrettable que des députés socialistes se soient laissés engager aux côtés de Chirac dans une opération démagogique, et dangereuse pour nos relations avec la Turquie et l’avenir de l’Europe. C’est une grave erreur.
Pour toutes ces raisons, si cette proposition de loi venait devant le Sénat je serais obligé de voter contre.

Richard Yung
Sénateur des Français établis hors de France


Publié le 12 octobre 2006