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BIP n° 1 - Quel avenir pour l'aide publique française au développement ?

Le CICID (Comité Interministériel de la Coopération Internationale et du Développement) du 20 juillet 2004 a confié à l’Agence Française de Développement (AFD), qui reste une banque par ses statuts, sa culture et ses pratiques, l’essentiel de notre aide publique au développement, sur de sujets aussi sensibles que l’éducation et la santé. Ce n’est pas seulement un changement technique c’est un changement de conception de l’aide.

Le contexte de l’A.P.D. a changé du fait de la mondialisation et de la domination actuelle du modèle économique libéral. Pour rester dans le mouvement mondial, la France aligne donc sa coopération bilatérale sur les pratiques des bailleurs de fonds multilatéraux.

Sans être nostalgique de la coopération de substitution ni de l’aide-projet, j’estime que leurs atouts méritent d’être préservés : proximité, visibilité, profit directement sensible pour les populations.
L’aide-programme version Banque mondiale, nous la connaissons aussi et ses performances ne nous impressionnent pas : logique d’efficacité essentiellement comptable, mesurée à la quantité et à la rapidité des décaissements, ce qui suppose de ne faire que de gros projets, coût élevé de la logistique centrale et des experts en mission de courte durée, disparition des relations de proximité entre partenaires du Nord et du Sud, absence de visibilité pour les pays donateurs. 

Qu’en est-il de la pérennité du modèle français d’aide au développement ? Comment le ministère des Affaires étrangères pourra-t-il orienter l’action de l’AFD ?

L’AFD qui n’a pas changé de statuts, qui s’est dotée d’une direction stratégique et qui gèrera l’essentiel des crédits de l’aide bilatérale non dispensés directement par le Trésor mènera ses politiques sectorielles avec un nombre très réduit de projets. 
Posons clairement la question : en confiant de très importantes prérogatives nouvelles à l’AFD, ne rétablit-on pas un pseudo ministère de la coopération sous la forme d’un établissement public sans assistants techniques donc sans contact avec les bénéficiaires directs ? 
La relation entre le ministère et son opérateur aurait été plus saine si une véritable agence de développement avait été créée à côté de la banque. Demain le pouvoir sera du côté de l’opérateur, pas du côté du donneur d’ordre. 

Le gouvernement doit donc régler les difficultés qui résultent de ce choix, opéré sans débat, ni avec les institutions représentatives, ni avec les agents du ministère, ni avec le parlement.
L’AFD doit changer ses statuts. Il y a conflit d’intérêt entre ses fonctions de banque et ses fonctions d’opérateur de développement, ce qui fait d’ailleurs qu’érigée au rang d’opérateur-pivot de l’APD elle ne peut être opérateur au sens de la LOLF. 

L’AFD doit devenir capable de gérer de petits projets et de faire du qualitatif. Il ne suffit pas de sortir des chèques pour construire des salles de classe. Il faut former des instituteurs, améliorer leurs conditions de vie et imaginer des alternatives à la scolarisation traditionnelle. A défaut, on fera du chiffre d’enfants scolarisés sans que pour autant les trafiquants d’hommes et les seigneurs de la guerre, ceux du trafic de drogue et les religieux fanatiques voient se tarir leur recrutement. 

Monique Cerisier-ben Guiga


Publié le 15 février 2005