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BIP N° 54 - Pas de chèque en blanc sur la politique d'aide au développement de l'Union Européenne

Quelle est la portée de la révision de l’accord de Cotonou voté par le Sénat le 6 novembre 2007 ?

L’accord de Cotonou est à l’origine un accord de partenariat que la communauté européenne a signé en juin 2000 avec les pays d’Afrique, des Caraïbe et du Pacifique pour une durée de 20 ans. Il s’inscrit dans le cadre de l’aide publique au développement, et vise à l’intégration de ces pays dans l’économie mondiale. Cet objectif est essentiel. Les modifications apportées à ce texte constituent un progrès indéniable, notamment sur deux points : la reconnaissance du rôle primordial des pouvoirs locaux dans la politique de développement et la promotion de la justice internationale.

A ceux qui n’y verrait qu’un alignement sur une politique ultra libérale de relations de l’Union Européenne avec les pays les moins avancés, rappelons que la ratification de ce texte modifié était un préalable à la mise en œuvre du 10ème FED (Fond Européen de Développement) prévu pour la période 2008-2013. S’y opposer eût été une posture anti-libérale facile (celle adoptée par le groupe communiste au Sénat) mais dont le résultat aurait été de priver l’Union Européenne des moyens financiers de son aide au développement. Ce vote ne signifie en aucun cas un soutien assuré aux Accords de Partenariat Economique (APE) qui sont en cours de négociation entre l’Union Européenne et des groupes régionaux de pays d’Afrique, des Caraïbe et du Pacifique (ACP).

Notre vote est donc l’expression de notre engagement auprès des pays les moins avancés. Il ne signifie pas que nous cautionnons la négociation des Accords de Partenariat Economique « APE » entre l’Union Européenne et ces groupes de pays Afrique, des Caraïbes et du Pacifique qui doit s’achever en décembre, et dont nous demandons le report afin de contrer l’introduction de normes commerciales libérales inadaptées à des économies trop fragiles.

En voulant impulser à tout prix des zones de libre-échange par une baisse considérable des droits de douane dans des pays aussi pauvres, l’Europe prendrait un chemin dangereux : elle compromettrait la quasi unique ressource fiscale de ces pays et mettrait en péril leur économie toute entière, industrielle et surtout agricole. Sans une concurrence maîtrisée avec l’Union Européenne, nos produits agricoles subventionnés tueraient à coup sûr leur agriculture et mettaient fin à tout espoir d’autonomie alimentaire des pays moins avancés.

Le but de l’Union Européenne ne doit pas être de tirer profit de notre partenariat avec le groupe des pays ACP pour acheter des produits à bas coût et vendre les nôtres sur leurs marchés. Si l’Union Européenne usait du pouvoir dont elle dispose face aux Etats ACP pour leur imposer des mesures qui les fragilisent, elle romprait un lien de confiance pourtant fondamental au bon fonctionnement de tout partenariat. Elle apparaîtrait comme une Europe impérialiste et contredirait ouvertement ses valeurs.
Un accompagnement technique, social et financier, de même que la prise en compte des différences économiques entre les pays, sont indispensables pour ne pas aboutir à un renforcement des inégalités. Notre objectif est bien le rééquilibrage économique et social entre le Sud et le Nord, ne le perdons pas de vue.

Monique Cerisier ben-Guiga
Sénatrice des Français établis hors de France


Publié le 09 novembre 2007