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Entrevue avec Bernard Kouchner, nouveau ministre des Affaires étrangères

Nous avons participé le 6 Juin à un déjeuner de travail avec Bernard Kouchner pour faire un premier point sur les dossiers concernant les Français à l’étranger. Participaient également les sénateurs UMP, les présidents de l’ADFE et de l’UFE, les vice-présidents de l’AFE ainsi que plusieurs collaborateurs du ministre et les directeurs de la DFAE et de l’AEFE. Le ministre a souligné son intérêt pour les Français hors de France et rappelé qu’il les avait beaucoup côtoyés dans ses séjours à l’étranger.

Enseignement français à l’étranger

Le principal sujet a été celui de l’éducation avec la mise en œuvre des engagements du candidat Nicolas Sarkozy, devenu Président de la République. Nos collègues de l’UMP nous réservaient une surprise de taille : les millions d’entre nous qui ont écouté le candidat Sarkozy dans son émission sur TV5 ont mal compris. Le candidat n’aurait pas pris l’engagement de la gratuité complète de la prise en charge des frais de scolarité pour les enfants français à l’étranger. Ce serait un lapsus ou une erreur. Le seul engagement qui vaille, toujours selon plusieurs des sénateurs UMP, serait celui de sa « lettre aux Français de l’étranger », à savoir la prise en charge à partir de la seconde.
Si c’est bien la cas, c’est une première reculade, et nous devons demander à Nicolas Sarkozy s’il maintient ou non son engagement.
A noter que Bernard Kouchner ne s’est pas prononcé sur cette question, mais qu’il a dit avoir commencé les discussions sur l’avenir de l’AEFE avec son homologue de l’Éducation nationale, Xavier Darcos, familier du dossier et qu’une coordination interministérielle serait demandée.
En tout état de cause, nous avons dit clairement notre opposition à une gratuité limitée au second cycle, et que notre choix allait à une gratuité en début de scolarité pour permettre à ceux qui en ont besoin d’accéder à l’enseignement français.

Un second point doit être souligné. A plusieurs reprises les sénateurs UMP ont évoqué l’idée que cette prise en charge du second cycle permettrait d’établir une enveloppe financière qui « pourrait être utilisée autrement » sans que cet « autrement » soit explicité. Mais cela veut dire que l’idée de gratuité pourrait rapidement être menacée et son financement détourné vers d’autres usages comme, par exemple, l’immobilier.

L’administration a ensuite donné une première évaluation de l’engagement de Nicolas Sarkozy ( la version « light »). Il y a actuellement 75 000 élèves français dans le réseau. 19 000 bénéficient d’une bourse totale ou partielle dont 4 000 dans le secondaire. 2 000 demandes de bourses ne seront pas satisfaites à la rentrée 2007 et 6 000 bourses sont partielles.
Il faudrait donc environ 14 millions d’euros de plus pour ces demandeurs, et pour réaliser la promesse de Nicolas Sarkozy (gratuité à partir de la seconde) il faut ajouter 45 millions d’euros, soit en tout 60 millions d’euros de plus dès la rentrée 2007.
Il faut prévoir que cette gratuité provoquera un afflux de 20 000 élèves français supplémentaires dans nos établissements déjà surpeuplés. On voit que la mesure n’a pas été sérieusement réfléchie ni évaluée.
Il n’empêche que nous devons tenir bon pour qu’elle soit respectée et dans le combat qui s’annonce « ne pas jouer petit bras » comme l’a dit le Président de l’ADFE !

Le ministre a enfin proposé de faire travailler la commission de l’enseignement de l’AFE – avant sa session normale de septembre – pour lui faire des propositions sur la question, ce qui est certes louable dans l’intention démocratique, mais sans beaucoup de réalité sur le fond puisque ce que nous attendons, ce sont les propositions du gouvernement sur la mise en œuvre de son programme.

Autres points

  • L’engagement de créer un fond d’indemnisation pour les Français à l’étranger spoliés ou victimes de catastrophes naturelles. Il semble que l’UMP ait en tête un système d’assurances volontaires auprès des compagnies d’assurances. Notre crainte est que ceci ne réponde que très partiellement aux besoins, et ne couvre que ceux qui auront pu souscrire. Les petits et les démunis en seront exclus. 

  • La question des Français qui ne perçoivent pas leur retraite de certaines caisses africaines . Il semble qu’il y ait une clause à ce sujet dans le dernier accord signé avec le Congo. Affaire à suivre. 

  • Le ministre a développé ses vues sur le Liban et indiqué que son ministère gardait la responsabilité de la politique du développement et de la francophonie .

Une première séance utile, qui ne peut que nous encourager à être vigilants.

Monique Cerisier-ben Guiga et Richard Yung


Publié le 08 juin 2007