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BIP N° 55 - Poutine, ou la démocratie en danger

Près de 250 opposants arrêtés ou violemment réprimés. C’était à Moscou et à Saint-Pétersbourg les 24 et 26 novembre, à 2 semaines des élections législatives russes qui prennent la forme d’un plébiscite du système Poutine en place depuis 7 ans.

Garry Kasparov, ex champion du monde d’échecs et leader du mouvement d’opposition « L’autre Russie » a été arrêté avec une quarantaine de manifestants pour avoir « marché » dans la capitale en signe de protestation. Deux jours après, c’est 200 personnes qui ont été réprimées à Saint-Pétersbourg pour des raisons similaires. Nous sommes pourtant dans une démocratie paraît-il, et personne ne pense une seconde que Garry Kasparov menace sérieusement la sécurité de la Russie.
Dans un pays où 95% du temps d’antenne sur les télévisions nationales est consacré à la promotion du parti de Poutine « Russie Unie », où seules les affiches de ce parti sont visibles dans la capitale, et où l’opposition est consciencieusement muselée, voire réprimée, la démocratie russe semble bien être une vaste mascarade. Sans compter que les opposants sont ouvertement discrédités par le Président lui-même, qui les a qualifiés de « chacals » à la botte des puissances étrangères, celles-ci étant à leur tour accusées de « fourrer leur nez morveux dans nos affaires ». Langage d’un autre temps, souvenir des « vipères lubriques » et autres gentillesses du Komintern.

Vladimir Poutine est prêt à tout pour que son parti obtienne le score le plus haut possible le 2 décembre. Il souhaite que ces élections le confortent dans un rôle de « leader national » incontestable pour se maintenir au pouvoir. La Constitution lui interdit en effet de briguer un troisième mandat en mars 2008. Changer cette disposition augmenterait la suspicion qui pèse déjà sur le Président de la part de la communauté internationale, et il en est conscient. C’est pourquoi il préfère se ménager une autre voie, que l’on ne peut encore prédire, pour garder la main sur le pouvoir. Il a ainsi créé pour le soutenir le mouvement « Za Poutine » (Pour Poutine) qui regrouperait déjà des dizaines de milliers de personnes, pour le soutenir.
Sera-t-il le nouveau Premier Ministre ? Occupera-t-il un poste de « Père de la Nation », comme certains le pensent, taillé à sa mesure pour rester au pouvoir ? Tout ce que l’on sait c’est que les 68% d’intentions de vote en faveur de son parti ne lui paraissent pas suffisants. Les opérations de répression et de déstabilisation de l’opposition, pourtant largement minoritaire, risquent de se poursuivre. Le quotidien anglophone Moscow Times prévoit des fraudes importantes pour gonfler les résultats. Et l’on ne peut, dans ce contexte, que déplorer l’absence d’observateurs de l’OSCE, qui n’ont pu obtenir de visa. La communauté internationale ne doit pas démissionner maintenant, il faut dénoncer et sanctionner ces actes pour que la Russie et sa démocratie balbutiante ne se transforment pas définitivement en régime dictatorial et autoritaire. 

Nous qui sommes des amis du peuple russe, qui admirons son histoire et sa culture, nous nous sommes réjouis d’y voir apparaître dans le pays de Sakharov, à la chute du communisme, une économie forte et relativement stable, y naître une démocratie politique certes fragile.
Nous espérions – nous espérons encore – que le renforcement  de la démocratie et la défense des droits de l’homme suivraient – suivront- !
Au nom précisément de cette amitié, nous devons dire à Vladimir Poutine et à  ceux qui le soutiennent que notre devoir est de dénoncer ces violations graves et répétées des droits politiques et citoyens , qu’elles constituent un obstacle important au développement de nos relations et de notre soutien, et que nous demandons à l’Europe et à nos gouvernements d’agir en conséquence.
Cela avec tristesse et en gardant présent à nos cœurs cette amitié pour le peuple et l’âme russes !

Richard Yung
Sénateur des Français établis hors de France


Publié le 28 novembre 2007