LISTE DES ARTICLES

BIP N° 58 - Afrique centrale : les consulats et usagers à la peine

Alors que les consulats d’Afrique Centrale sont des « postes avancés », où la vie est difficile, où les risques sanitaires sont élevés et où la tâche est exigeante, ils sont sous-dotés en personnels et surtout en personnels qualifiés dans les secteurs sensibles. Il n’est pas acceptable que le ministère des Affaires étrangères place ses agents et les Français qu’ils administrent dans des conditions aussi tendues et génératrices de dissensions entre agents et usagers.

Dans ces postes, comme je viens de le constater lors d’un voyage au Tchad, en Centrafrique et au Cameroun, les personnels sont soumis à de fortes tensions professionnelles sans pour autant pouvoir rendre au public les services fondamentaux qu’ils doivent et veulent lui rendre. C’est une source d’insatisfaction et même de souffrance morale.

Pour sa part, le public français et étranger interprète les nouvelles contraintes telles que la prise de rendez-vous téléphonique payante et la restriction des heures d’ouverture comme les signes d’une volonté de rendre le consulat inaccessible.

L’état civil est le cœur du métier consulaire. Dans les consulats exposés à la fraude documentaire que j’ai visités, l’état civil est à la fois le pilier sur lequel repose l’efficacité de tous les autres services consulaires et, malheureusement, trop souvent leur point faible, faute de personnels.

Dans toute cette zone de l’Afrique centrale, qui n’avait pas de tradition migratoire, la dégradation de la situation économique sociale et politique suscite une émigration de désespoir et tous les moyens sont bons pour réussir. Face à cela, les agents consulaires doivent tout à la fois être très vigilants et ne pas sombrer dans une méfiance systématique. C’est une gageure d’autant plus difficile à tenir que la tâche est immense au regard de leur nombre et de leurs moyens. Par un effet de boule de neige, le retard accumulé génère les courriers de rappel, les interventions d’élus et d’associations. C’est ainsi que des demandeurs de bonne foi attendent plusieurs années un regroupement familial légal et légitime tandis que tout le consulat est absorbé par la traque de la fraude.

L’action sociale : la baisse globale des crédits, la suppression des allocations à durée déterminée ont ramené les services sociaux des consulats à une aide sociale dont l’essentiel est absorbé par les allocations de solidarité aux personnes âgées et aux handicapés. Les crédits de secours occasionnels vont à l’aide médicale d’urgence. Rien n’est disponible pour les personnes en détresse situées hors des cadres du CCPAS et aucune action sociale favorisant l’insertion locale ne peut être menée.

En conclusion, la situation des agents de l’Etat dans les postes consulaires d’Afrique centrale que j’ai visités me rappelle celle de l’infanterie en pantalon garance des débuts de la guerre 14-18. L’administration envoie ses personnels au feu, sans préparation au choc culturel, ni formation suffisante, en trop petit nombre, pour accomplir une tâche irréalisable.

Qu’on ne s’étonne pas de constater des retraites prises en toute hâte, des postes restés vacants indéfiniment faute de candidats. Une spirale descendante est à l’œuvre : plus le poste est difficile, moins la tâche est gratifiante, moins il y a d’agents prêts à s’expatrier dans ces pays à risque et plus la tâche s’alourdit pour ceux qui restent.

Si aucune mesure n’est prise pour encourager des vocations africaines au ministère des Affaires étrangères et européennes, qui remplacera la « vieille garde » ?

Monique Cerisier ben Guiga


Publié le 30 janvier 2008