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BIP n° 21 - Débat tronqué, débat truqué

Comme s’il redoutait d’être pris de vitesse par la rue, le gouvernement pousse les feux pour faire adopter un projet de loi baptisé, sans doute par antiphrase, « pour l’égalité des chances ».

A l’Assemblée nationale, l’utilisation de l’article 49.3 lui a permis de faire voter en bloc, sans débat, les 21 articles suivant l’article 3. L’opposition s’est focalisée, à juste titre d’ailleurs, sur le contrat première embauche (CPE), qui curieusement fait l’objet d’un amendement à l’article 3 alors qu’il est présenté comme la mesure phare du gouvernement, la solution miracle au chômage des jeunes. Les jeunes, les syndicats, la gauche y voient plutôt un permis de licencier sans motif pendant deux ans et un accroissement de la précarité et de l’exclusion, le tout sans effet pour l’emploi puisqu’il est d’ores et déjà établi que son grand frère le CNE n’a pas créé le moindre poste de travail.

Les autres mesures, moins connues faute de débat public – et de concertation avec les partenaires sociaux – sont loin d’être innocentes. Ainsi le contrat d’apprentissage dès 14 ans, avec travail de nuit à 15 ans. La fin de la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans, un des immenses acquis de la République, et le retour au moyen-âge ! Le démantèlement des ZEP. Et ce fumeux « contrat de responsabilité parentale » qui consiste à priver d’allocations familiales les familles dont les enfants sèchent l’école, ce qui revient à enfoncer un peu plus des foyers déjà en grande détresse. On peut aussi mentionner les déclarations ronflantes en faveur du logement, alors que la loi SRU qui obligeait les communes à construire au moins 20 % de logements sociaux, vient à peine d’être mise en pièces. Tout cela donc, et beaucoup d’autres mesures importantes, adopté en bloc, sans examen, par l’Assemblée nationale.

C’est donc au sénat, où le 49.3 ne peut être employé, que le débat peut avoir lieu. Et les sénateurs de gauche, socialistes, communistes, verts, sont sur la brèche, déterminés à ce que le débat ait lieu et à le faire durer le temps qu’il faudra. Ils mènent l’offensive face à des collègues de droite plutôt passifs – on dirait qu’ils attendent que ça se passe. Les sénateurs socialistes ont déposé 350 amendements, leurs collègues communistes 250. Jusqu’ici ils ont tous, à deux exceptions près, été repoussés par la majorité sénatoriale.

Cela pourrait être le jeu démocratique des rapports de force entre les partis, s’il n’y avait pas la méthode, exécrable, et l’attitude, méprisante, des ministres et de la droite, qui utilisent tous les artifices de procédure, les moindres sous-alinéas du règlement, pour museler l’opposition.

Cette hâte est un aveu de faiblesse : la popularité de Villepin est en chute libre, la mobilisation des jeunes, des syndicats, s’intensifie. De notre côté, nous affinons nos propositions pour un CDI forme normale d’embauche, un contrat sécurité formation, l’indemnisation des stagiaires – y compris dans les postes consulaires ! –, la lutte contre les discriminations à l’emploi, entre autres par la légalisation du « testing », un service civique obligatoire pour toutes et tous.
Et nous veillons à ce que les mesures proposées pour les stages, le service civique obligatoire, s’appliquent également aux jeunes français résidant à l’étranger.

Richard Yung
Sénateur socialiste représentant les Français hors de France


Publié le 28 février 2006