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BIP N° 57 - Oui, nous irons à Versailles

Versailles n’a pas très bonne réputation dans notre histoire de France : c’est le haut lieu de l’absolutisme monarchique et de ses excès, ce sont les massacres des communards en 1871 par ceux que l’on appelait les Versaillais puisque le gouvernement de Thiers s’était installé dans cette ville. Aller à Versailles serait-ce aller à Canossa ?
Ceci explique peut être pourquoi le président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, soutenu par le Premier secrétaire, propose que les parlementaires socialistes ne se rendent pas au Congrès réuni à Versailles le 4 février pour modifier la Constitution.
Cette modification constitutionnelle est un préalable pour que nos parlements nationaux obtiennent des fonctions accrues de contrôle sur le processus législatif européen et sur la politique menée par la Commission européenne. Nous aurons enfin la possibilité de faire respecter le principe de subsidiarité. L’élargissement des compétences de la Cour de justice européenne est aussi un des enjeux de ce vote.

Le Parti socialiste et sa candidate s’étaient engagés, lors de la campagne présidentielle, à revenir sur le Traité européen par voie référendaire. C’est une tentative maladroite pour respecter cet engagement que nous propose Jean Marc Ayrault. Son idée, c’est de ne pas participer à la réforme constitutionnelle en étant absents du Congrès : nous garderions les mains propres avec en plus l’avantage de maintenir une unité de façade des socialistes. C’est à notre sens une fausse bonne idée. D’abord parce que le suffrage universel a tranché, Nicolas Sarkozy ayant clairement annoncé pendant la campagne qu’il recourrait à la voie parlementaire : faire un referendum serait redondant et inutile. La vraie question politique n’est pas la modification de la Constitution mais bien le Traité de Lisbonne.
Nous regrettons cette attitude purement tactique : le fait de ne pas participer au Congrès n’empêchera nullement la modification constitutionnelle, au contraire, puisque seules les voix exprimées sont comptabilisées. Ceux qui sont opposés au Traité et qui avancent masqués derrière la procédure référendaire ne s’y trompent pas puisqu’ils annoncent déjà qu’ils se rendront à Versailles pour voter non avec l’espoir - peu réaliste - de faire capoter la réforme constitutionnelle et donc d’empêcher la ratification du Traité. La proposition de Jean Marc Ayrault et François Hollande aura pour seul effet d’affaiblir le camp de ceux qui veulent la réforme constitutionnelle pour permettre la ratification du Traité et n’empêchera pas la division des socialistes.
C’est une fois de plus le scénario bien connu de la mauvaise conscience des socialistes envers les communistes et gauchistes. Nous considérons, au contraire, qu’en notre qualité de responsables politiques élus, c’est notre devoir de prendre des positions claires devant nos électeurs et de ne pas nous réfugier dans des jeux tactiques qui dévalorisent la politique et qui ont amené le PS là où il est aujourd’hui.
Allons, un peu de courage, que diantre !

Nous voterons le Traité de Lisbonne parce que nous pensons que malgré sa tiédeur, il permet une avancée sur le fonctionnement institutionnel et lève les blocages sur les autres composantes de la politique européenne. Nous regrettons la division du PS sur l’Europe. La construction de l’Union européenne est au centre de notre engagement socialiste. Elle a été l’honneur de notre parti et de tous ses leaders, en particulier François Mitterrand. Faisons en sorte qu’elle soit notre honneur.

Monique Cerisier-ben Guiga & Richard Yung
Sénateurs représentant les Français établis hors de France


Publié le 10 janvier 2008