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BIP n° 39 - Paris-Berlin : il est temps de refonder l'alliance

Il y a depuis un certain temps des nuages sur la coopération franco-allemande. La réunion qui se tient aujourd’hui entre Jacques Chirac et Angela Merkel en témoigne.

Il s’agit bien de discuter d’un certain nombre de contentieux, au premier rang desquels la restructuration d’Airbus que les Allemands nous soupçonnent de vouloir faire sur leur dos. Il y a effectivement 5 milliards d’euros d’économies à trouver, et des milliers de licenciements à effectuer.
Dans de telles situations, l’idéal européen disparaît vite au profit de la défense des intérêts nationaux. Nous devons pourtant dépasser une telle approche car sans collaboration franco-allemande, Airbus n’existerait pas et nous serions dans le tout « Boeing ». Il faut donc faire les compromis nécessaires pour que chacun puisse continuer.
Airbus n’est pas le seul dossier à friction : il y a la définition d’une politique européenne de l’énergie. La France tient à garder une place importante au nucléaire, moins cher et surtout beaucoup moins polluant pour l’air, alors que l’Allemagne ne remet pas en cause son arrêt progressif sur 30 ans.
Par ailleurs, les critiques françaises contre la Banque centrale européenne passent mal à Berlin : d’abord parce que la lutte contre l’inflation a toujours été une priorité pour les Allemands, ensuite parce que pour eux qui ont sacrifié le DM sur l’autel de l ’Europe, la seule défense contre les errements monétaires est bien dans l’action de la BCE. Les déficits commerciaux de nombreux pays européens, à commencer par la France, ne sont acceptables que par l’énorme excédent commercial de l’Allemagne qui fonde la parité de l’Euro.
Enfin le projet de traité constitutionnel européen est un des dossiers difficiles de la présidence allemande, d’autant que les positions françaises sont divergentes entre Sarkozy qui veut un traité a minima ratifié par voie parlementaire, et Royal qui veut renégocier un nouveau traité soumis à referendum.
Sans compter d’autres divergences encore dans le domaine de la défense, de la justice, de la fiscalité.

Revenons au postulat de base : l’Europe n’avance que par la convergence de vues et par la collaboration étroite entre l’Allemagne et la France. Ceci est vrai depuis le Traité de Rome signé il y a cinquante ans, et s’est incarné par une relation tout à fait spéciale entre de Gaulle et Adenauer, VGE et Schmidt, Mitterrand et Kohl. Mais depuis 10 ans cette relation n’existe plus : ce devrait être le premier des engagements du prochain Président français. C’est la condition pour recréer ce lien vital entre nos pays, pour éviter que l’Allemagne ne se tourne vers les pays d’Europe centrale et orientale et se donne le rôle de puissance de la Mitteleuropa.

Le temps de refonder l’alliance est revenu.

Richard Yung
Sénateur des Français établis hors de France


Publié le 23 février 2007