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Les couples mixtes pas à la noce

De notre correspondante à MontpellierCAROLE RAP
Libération : jeudi 17 avril 2008

«Peu de meilleur et trop de pire : Soupçonnés, humiliés, réprimés, des couples mixtes témoignent.» Le titre du rapport publié aujourd’hui par la Cimade (1) et le mouvement lesAmoureux au ban public parle de lui-même. Nicolas Ferran a recueilli des centaines de témoignages de couples dont l’un des conjoints est sans papiers. «Ils ne relatent pas des dysfonctionnements exceptionnels, mais mettent au jour un système répressif généralisé», prévient ce juriste de Montpellier, initiateur du collectif des Amoureux. Il fait vivre les obstacles dressés par l’administration sur le parcours des couples mixtes.

Embûche. Il y a les mairies qui signalent des étrangers à la police lorsqu’ils viennent déposer un dossier de mariage. Ou celles qui refusent de célébrer les noces ou qui saisissent le procureur quand elles suspectent un mariage blanc. C’est ainsi que Laëtitia, française, est menottée devant l’école de son fils et contrainte de conduire les policiers à son domicile, où ils interpellent son conjoint marocain. Mohamed est libéré par le tribunal administratif, et le couple peut se marier devant François Rebsamen, maire (PS) de Dijon, qui leur dit être «désolé de ce qui s’est passé».«Mais alors, pourquoi a-t-il saisi le procureur de la République ?» demande l’auteur.

Il y a aussi les consulats français qui, «dans l’immense majorité des cas», refusent les visas à ceux qui ont un projet de mariage en France. Obligés de s’unir à l’étranger, ils se heurtent à de nouvelles embûches pour obtenir la transcription de leur mariage. Nombreux sont ceux qui «dénoncent les conditions d’accueil dans les consulats et des entretiens traumatisants», comme cette Française : «La dame du consulat a cherché à me dégoûter de mon futur mari avec des propos racistes (que mon mari me dépouillerait de tout ce que je possède et qu’il me quitterait sans aucun scrupule).»

Il y a ces conjoints de Français que la France ne laisse pas revenir. Comme Alae, marié avec Audrey puis retourné au Maroc chercher un visa et resté bloqué là-bas. Audrey, enceinte, l’attend en France. «Ne supportant plus la séparation, le couple saisit le Conseil d’Etat. Le visa est délivré quelques jours avant l’audience…» Le rapport raconte aussi ces conjoints dont la demande de titre de séjour est rejetée et qui sont expulsés «même en présence de situations familiales particulièrement stables». Comme cette Thaïlandaise enceinte, épouse d’un Français, qui a été expulsée une semaine avant l’accouchement. Il y a les expulsés suite au décès de leur conjoint, au motif qu’il n’y a plus de communauté de vie.

«Epreuve». Enfin, il y a ces Françaises poursuivies pour aide au séjour irrégulier de leur concubin, comme Adeline ou Nuray (Libération du 19 mars), qui ont été relaxées mais ont dû «vivre l’épreuve traumatisante» du tribunal. Ce rapport servira pour les états généraux des Amoureux, organisés ce samedi à Paris. Objectif : s’accorder sur des revendications «dans la perspective d’une campagne exigeant une modification de la loi et des pratiques administratives».

(1) http://www.cimade.org/
Lire le rapport de la Cimade : « Peu de meilleur et trop de pire »


Publié le 17 avril 2008