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BIP n° 46 - Quand la guerre froide sert à torpiller l'Europe

C’est l’histoire de trois provocateurs qui jouent à se faire peur, sans trop y croire, mais portent un coup de plus à la construction européenne.

Le premier, c’est Georges Bush qui poursuit le déploiement du bouclier anti-missile censé protéger le territoire américain. Après l’Alaska, c’est en Pologne et en Tchéquie qu’il a décidé d’installer les antimissiles et le radar destinés à intercepter d’éventuelles attaques iraniennes. Il y a comme un parfum de déjà entendu : la fois d’avant, c’était l’Irak qui menaçait le monde avec ses armes de destruction massive, maintenant c’est l’Iran qui pointe ses fusées, non pas tant d’ailleurs sur l’Europe que sur les États-Unis ! Même si personne ne peut faire confiance à Ahmadinejad qui s’est mis au ban du monde par ses appels à détruire Israël, il est permis de demander à vérifier les informations de Bush.

Le second, c’est Vladimir Poutine qui saute sur l’occasion et souligne la menace qui s’exercerait sur la Russie, dénonce une provocation s’ajoutant aux négociations d’entrée dans l’OTAN de ses anciens alliés d’Europe centrale que sont la Pologne, la Tchéquie, la Hongrie, et crie à une rupture dans l’équilibre des forces. Poutine sait parfaitement que les missiles intercepteurs en question ne sont pas une menace pour la Russie puisqu’ils ne contiendront pas d’armement nucléaire, mais l’affaire tombe bien pour qu’il puisse développer les budgets militaires, mobiliser le nationalisme de l’opinion et montrer son mécontentement vis-à-vis de l’Occident.

Et les troisièmes, ce sont les responsables polonais et tchèques qui, en acceptant ces installations sur leur territoire, montrent leur défiance vis-à-vis de Moscou et mettent ainsi de l’huile sur le feu dans les relations OTAN-Russie, alors que la bonne approche eût été d’associer au projet de bouclier les Russes, au moins aussi menacés par les fusées iraniennes. Ils se mettent en situation de dépendance par rapport aux États-Unis et par là même torpillent toute possibilité de développer un pôle européen de défense. Ils montrent de nouveau qu’entre participer à une Europe forte et être un satellite américain, ils ont choisi la seconde option.

Mais le vrai problème est l’incapacité de l’Union européenne à bâtir une relation politique à long terme avec la Russie, au-delà de son approvisionnement en énergie, et à développer des projets de défense communs comme celui d’un système alerte avancé. Les difficultés actuelles du projet Galileo illustrent bien ce manque de volonté des grands pays de l’Union. Tout ce que l’on peut espérer c’est qu’une relance européenne inclura ces différents éléments.

Enfin cette crise aux relents de guerre froide amène à se demander à quoi peuvent bien servir les réunions du G8 dans leur forme actuelle. Ne serait-il pas temps de refonder cette institution tout comme celles datant de la fin de la seconde guerre mondiale ?

Richard Yung
Sénateur des Français établis hors de France


Publié le 05 juin 2007