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BIP n° 22 - Francophonie et mondialisation

La mondialisation capitaliste tend à réduire l’humanité à la production et à la consommation de biens matériels. Son idéologie implicite se conjugue apparemment très bien avec la recrudescence de la religiosité et produit cet « islamo-matérialisme » que l’on observe dans la péninsule arabique et le « christiano-matérialisme » américain, pour ne citer que ces deux exemples où, sans cesser d’avoir Dieu à la bouche, on se gave de biens matériels.

L’agression politique et culturelle de cette mondialisation que subissent les peuples de la planète génère des replis identitaires dont les plus inflammables sont le nationalisme et la religion. Les sociétés, ou des groupes en leur sein, se crispent et tentent de se fermer, éduquant leurs jeunesses dans les formes les plus régressives de leurs traditions et dans le rejet d’autrui. L’étranger, celui qui parle une autre langue, pratique une autre religion, appartient à une autre secte, une autre ethnie, n’est plus le frère, le semblable, mais un nuisible à massacrer : Liban, Bosnie, Rwanda…la litanie serait infinie.

En conséquence, nous sommes confrontés, en ce début du XXIème siècle, à des flambées de barbarie : émeutes religieuses avec leurs saint-barthélémy au Nigeria, en Inde, torture institutionnalisée à Guantanamo, en Tchétchénie. Nous n’en mourons pas tous mais nous sommes tous atteints : L’Europe regarde les Africains périr en Méditerranée et sur les côtes des Canaries, la France passe à côté de ses SDF, détourne les yeux des ghettos de banlieue dès les émeutes terminées et ne veut rien savoir des ses prisons surpeuplées où la promiscuité et la violence constituent un défi quotidien aux droits de l’Homme.

Face à cette situation de mondialisation, que peut faire la Francophonie ? Qui garde le souvenir du sommet de Niamey en 1970 où quatre chefs d’état de pays récemment décolonisés décidèrent de renforcer leurs liens, en raison de ce français qu’ils avaient en partage ? Quel rapport entre la Francophonie et la mondialisation ? C’est l’espoir que la Francophonie soit un acteur de la lutte contre les aspects destructeurs de la mondialisation. Il est né de la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles adoptée à l’Unesco le 20 octobre 2005. C’est l’idée de mobiliser, contre la mondialisation matérialiste, des antidotes culturels qui transcendent les particularismes, ceux qu’Amin Maalouf dénommait dans un livre prémonitoire « les identités meurtrières ». La Francophonie, mise au service de la diversité culturelle, peut devenir l’un de ces antidotes, un de ces vecteurs qui oriente vers la paix.

185 millions de Francophones, sur les cinq continents, communiquent en deux, trois ou quatre langues et se nourrissent simultanément de plusieurs cultures dont la synthèse forme leur identité personnelle. L’espoir de la francophonie tient en cette richesse, cette chance qui nous est proposée et qui, sans nous prémunir contre toute folie meurtrière (l’histoire l’a prouvé), peut contribuer à promouvoir l’esprit de compréhension et de paix. « Que personne ne se sente contraint de choisir entre la négation de soi-même et la négation de l’autre » (Amin Maalouf). Oui, la diversité linguistique et culturelle des Francophones peut devenir une des armes de l’humanisme contre la barbarie.

Monique Cerisier ben Guiga
Sénatrice représentant les Français établis hors de France


Publié le 20 mars 2006