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BIP n° 15 - Paris brûle-t-il ?

Contrairement à ce que le gouvernement voudrait faire croire, la révolte des banlieues n’a rien à voir avec une guerre ni un quelconque complot. La thèse d’un plan intégriste musulman visant la République est ridicule.

Que voyons-nous ? Des actions menées contre soi-même et les siens : on brûle les voitures, les écoles, les autobus utilisées par les pères, mères, frères et sœurs ; on attaque les pompiers, les ambulances. La seule demande de tous ces « casseurs » : avoir un métier, un logement, une famille comme tout le monde.

Dans nos banlieues en effet la situation sociale est désespérante. L’ascenseur social est en panne depuis plus de 30 ans, et les pères, sources d’autorité et modèles naturels du comportement civique, sont au chômage depuis trop longtemps. L’école ne donne aucune perspective, et les cités sont devenues des ghettos où, faute d’emploi, la débrouille individuelle semble la seule issue. Dans ces conditions de vie, le processus d’intégration ne peut plus fonctionner.

Les violences urbaines ont commencé dès 1982, sous la gauche. On se souvient des violents incidents de Vaulx-en-Velin et des Minguettes. Nous n’avons pas trouvé la solution idéale, puisque celle-ci passe par une croissance économique régulière et un chômage minimal. Nous avons essayé la politique de la ville (Mitterrand, 1982), la réforme de l’école (plan Savary de 1985), la réhabilitation des HLM (plan Rocard de 1989 : «repeindre chaque cage d’escalier »), nous avons relancé la construction des HLM (plan Jospin de 1998). Nos camarades maires, conseillers généraux et régionaux ont aussi pris des initiatives à leur niveau, par exemple à Nantes, Angers, Montpellier, Brest ou Sarcelles, où nos camarades mènent une politique extrêmement ciblée – et très coûteuse - de mixité sociale et économique, « famille par famille et habitat par habitat » selon les mots mêmes du maire de Sarcelles. Dans ces villes il n’y a pas de difficultés majeures.

 

Que faire aujourd’hui ?

 

Il faut d’abord, évidemment, maintenir l’ordre républicain. Mais surtout pas en laissant les forces de l’ordre faire n’importe quoi – lancer une grenade dans une mosquée, rester l’arme au pied devant des exactions – sans sanctions.
Mais, et c’est tout aussi nécessaire, ouvrir le dialogue, montrer du respect, rechercher la vérité sur les deux enfants morts à Clichy dans un transformateur électrique et sur les circonstances de la mort des autres victimes.
C’est tout le contraire de l’action brouillonne, agitée, de Sarkozy, dont les mots blessants n’ont fait que jeter de l’huile sur le feu. Il devait ramener l’ordre ; il a fait exactement le contraire, puisqu’il a étendu les violences à d’autres villes de France.
Ceci étant, son départ pourrait contribuer à ramener le calme, mais ne résoudrait pas le problème de fond.

C’est une autre politique sociale qu’il faut mener, qui passe par des créations d’emplois, la réhabilitation et la mixité des logements, des aides massives à l’école. Mais aussi par le rétablissement des moyens de la police de proximité, par le retour des subventions aux associations sportives, culturelles, etc., qui permettaient de faire tenir le tissu social, et qui tout naturellement enseignaient le respect des règles sociales et du civisme. Par l’implantation de pôles de médiation, un rôle essentiel qu’il ne faut pas laisser aux imams.

Sans doute, pour avoir des résultats visibles et durables, il faut une action sur 10 ou 20 ans. Autant commencer tout de suite.


Richard Yung
Sénateur représentant les Français établis hors de France


Publié le 07 novembre 2005