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Naturalisations: mise en garde contre un transfert des décisions vers les préfectures

AFP 25.06.08 | 18h11

Les groupes parlementaires socialistes et des représentants d'associations, de syndicats et de chercheurs ont mis en garde, mercredi, contre un transfert des décisions de naturalisation d'étrangers vers les préfectures.

Dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), le gouvernement s'est prononcé en faveur d'une déconcentration des décisions de naturalisation vers les préfectures, une attribution jusqu'à présent dévolue à la sous-direction de l'accès à la nationalité française (sous-direction des naturalisations) installée à Nantes.

"Le droit de la nationalité est extrêmement complexe", a fait valoir au cours d'une conférence de presse, Monique Cerisier-ben Guiga, sénatrice des Français de l'étranger, "et il ne doit pas y avoir en France 95 manières différentes d'attribuer notre nationalité".

Selon Mme Cerisier-ben Guiga, 76 parlementaires ont signé un texte en ce sens.

L'argument avancé par le gouvernement est qu'il y aurait doublon entre l'échelon préfectoral et l'échelon ministériel, l'objectif étant une réduction des délais.

Pour Emmanuel Terray, du collectif Unis contre une immigration jetable (Ucij), le transfert des naturalisations est "la cerise sur le gâteau qui fait que la législation sur l'immigration devient de plus en plus arbitraire".

"Le droit recule et l'arbitraire progresse au nom du +cas par cas+", a-t-il ajouté tandis que la député socialiste George Pau-Langevin a jugé que "la naturalisation, droit régalien par excellence", devait "rester concentrée sur un seul service".

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"Pour les étrangers, la République française n'est plus +une et indivisible+", ont aussi souligné des représentants syndicaux de la CFDT et de la CGT du service des naturalisations.

Mme Cerisier-ben Guiga a fait valoir "la grande disparité" des avis rendus par les préfectures : par exemple, les réponses défavorables étaient de 70% dans la préfecture des Deux-Sèvres, de 40% pour celle du Loir-et-Cher, voire de 5% en Lozère.

La procédure de naturalisation se fait en plusieurs temps: demande et remise du dossier en préfecture, puis "entretien d'assimiliation" toujours en préfecture avant que le dossier ne soit véritablement "instruit" à Nantes.

Pour l'historien Patrick Weil, qui a coordonné une pétition de chercheurs, "la volonté de détruire ce service ne peut s'expliquer que par un objectif inavouable: freiner les naturalisations" alors que la productivité s'est "notablement améliorée depuis 2003".

Le 19 juin, le ministre de l'Immigration Brice Hortefeux a indiqué que les décisions favorables aux naturalisations se feraient à l'échelon des préfectures. "En cas d'avis négatif des préfectures, a-t-il ajouté, les demandes seront réexaminées au niveau de l'administration centrale, à Nantes".

Dans l'entourage du ministre on précisait mercredi que toutes les décisions de naturalisation "resteront toujours prises par décret du premier ministre".

Lire également l'article du Monde daté du 28.06.08

Non à l’arbitraire en matière de naturalisation
(Communiqué)

Le Conseil de modernisation des politiques publiques a proposé la suppression d’une des deux étapes nécessaires à la naturalisation française. Nous mettons en garde contre le risque de décisions trop diverses, source d'inégalités, si soit les préfectures soit le service ministériel d'Accès à la Nationalité française étaient dessaisis.

Parlementaires français, nous estimons que ces citoyens en puissance que sont les demandeurs de nationalité française doivent être traités selon le principe fondateur d’égalité. La loi doit être la même pour tous et appliquée d’une manière harmonieuse.

Les préfectures, qui rendent un premier avis sur la demande de naturalisation, prennent des  décisions extrêmement diverses. Ce phénomène deviendrait la norme si elles étaient seules compétentes en matière d'octroi de la nationalité. Nous estimons qu’il ne doit pas y avoir en France 95 manières différentes d’attribuer notre nationalité mais une seule.

Le service ministériel centralisé reste le garant du principe constitutionnel d’égalité de traitement sur l’ensemble du territoire français car il traite les demandes en droit, avec la distance suffisante pour se prémunir contre la subjectivité et il veille à l’harmonisation des décisions. Pour cette raison, il est impératif qu'il conserve ses prérogatives.

L’argument du double emploi entre ces deux services est irrecevable. Ces deux échelons effectuent en réalité des tâches complémentaires : les préfectures jouent un rôle de proximité en constituant les dossiers, en recevant les demandeurs et en contrôlant leur maîtrise du français. Le service ministériel, quant à lui, examine les dossiers au fond et exerce une mission éminemment régalienne en décidant de l'octroi de la nationalité ou de son refus.

L’argument de la rapidité de traitement n'est pas davantage crédible. Aujourd’hui, le délai le plus long dans cette procédure est celui qui sépare l’obtention du premier rendez-vous à la préfecture de la transmission du dossier à cette direction ministérielle.

On peut légitimement s’interroger sur ce que cache une telle proposition. Que veut réellement le gouvernement : l’intégration des étrangers dans la Nation comme il le proclame à longueur de discours, ou bien le rejet du plus grand nombre possible de demandes de naturalisation d’étrangers aspirant à la citoyenneté française ?

Nous appelons à l'abandon pur et simple de ce projet.

Monique Cerisier ben Guiga                                 George Pau-Langevin
Sénatrice des Français établis hors de France     Députée de Paris

Premiers signataires :

Jean-Marc Ayrault, Président du groupe socialiste de l’Assemblée nationale, Jean-Pierre Bel, Président du groupe socialiste au Sénat
Jacqueline Alquier Sénatrice du Tarn, Michèle André vice-Présidente du Sénat, Sénatrice du Puy-de-Dôme ancienne ministre, Robert Badinter Sénateur des Hauts-de-Seine et ancien ministre, Dominique Baert Député du Nord, Jacques Bascou Député de l’Aude, Jean-Louis Bianco Député des Alpes Maritimes, Jean Besson, Sénateur de la Drôme, Serge Blisko Député de Paris, Patrick Bloche Député de Paris, Nicole Bricq Sénatrice de Seine-et-Marne, Marie-Odile Bouillé Députée de la Loire-Atlantique, Pierre Bourguignon Député de Seine-Maritime, Jean-Christophe Cambadélis Député de Paris, Bernard Cazeneuve Député de la Manche, Catherine Coutelle Députée de la Vienne, Alain Claeys Député de la Vienne, Jean-Michel Clément Député de la Vienne, Michèle Delaunay Députée de Gironde, Christiane Demontès Sénatrice du Rhône, Bernard Derosier Député du Nord, Michel Dreyfus Schmidt Sénateur du Territoire de Belfort, Josette Durieu Sénatrice des Hautes-Pyrénées, Jean-Pierre Dufau, député des Landes, Bernard Dussaut Sénateur de la Gironde, Martine Faure Députée de Gironde, Geneviève Gaillard Députée des Deux-Sèvres, Jean-Pierre Godefroy Sénateur de la Manche, Catherine Genissonvice-Présidente de l'Assemblée nationale et Députée du Pas-de-Calais, Daniel Golberg Député de Seine-Saint-Denis, Pascale Got Députée de la Gironde, Marc Goua Député de Maine et Loire, Elisabeth Guigou, Députée de Seine-Saint-Denis, Odette Herviaux Sénatrice du Morbihan, Danièle Hoffman-Rispal Députée de Paris, Sandrine Hurel Députée de Seine Maritime, Serge Janquin député du Pas-de-Calais, Marylise Lebranchu, Députée du Finistère, Raymonde Le Texier Sénatrice du Val-d’Oise, Annie Jarraud-Vergnolle Sénatrice des Pyrénées Atlantiques, Charles Josselin Sénateur des Côtes d’Armor et ancien ministre, Marietta Karamanli Députée de la Sarthe, Yves Krattinger Sénateur de la Haute-Saône, Bariza Khiari Sénatrice de Paris, François Lamy Député de l’Essonne, Martine Lignières-Cassou Députée des Pyrénées-Atlantiques, François Marc Sénateur du Finistère, Frédérique Massat Députée de l’Ariège, Marc Massion Sénateur de Seine-Maritime, Michel Ménard Député de Loire Atlantique, Louis Mermaz Sénateur de l’Isère ancien ministre, Pierre-Alain Muet Député du Rhône, Françoise Olivier-Coupeau Députée du Morbihan, Christian PAUL Député de la Nièvre ancien Secrétaire d’Etat, Jean-François Picheral Sénateur des Bouches-du-Rhône, Gisèle Printz Sénatrice de Moselle, Jean-Jacques Queyranne Député du Rhône, Dominique Raimbourg Député de Loire-Atlantique, Paul Raoult Sénateur du Nord, Marie-Line Reynaud Députée de Charente, André Rouvière Sénateur du Gard, Michèle San Vicente-Baudrin Sénatrice du Pas-de-Calais, Michel Sergent Sénateur du Pas-de-Calais, Patricia Schillinger, Sénatrice du Haut-Rhin, Christophe Sirugue Député de Saône-et-Loire, Michel Teston Sénateur de l’Ardèche, Jean-Marc Todeschini Sénateur de Moselle, Marie-Sol Touraine Députée d’Indre-et-Loire, Robert Tropeano Sénateur de l’Hérault, André Vallini Député de l’Isère, Jacques Valax Député du Tarn, Richard Yung Sénateur des Français établis hors de France.

74 signataires 


Publié le 26 juin 2008