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Rejet de l'amendement proposant de suspendre la rétroactivité des cotisations à la CFE pour 2009

Le 17 novembre, Richard YUNG a défendu un amendement qu’il avait déposé avec Monique CERISIER-ben GUIGA et Claudine LEPAGE. Cet amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 visait à prolonger la suppression de la rétroactivité du paiement des cotisations en cas d’adhésion tardive à une caisse de protection sociale à l’étranger comme la CFE. Cette rétroactivité coûte cher au cotisant (cela peut aller jusqu’à 2 mois de salaire) et décourage beaucoup de nos compatriotes, notamment ceux qui sont les plus démunis.

Cet amendement a été rejeté par la majorité sénatoriale. Une telle mesure avait pourtant été mise en place pour l’année 2008 car les pouvoirs publics étaient conscients de sa nécessité. La droite estime sans doute qu’en 2009 les Français de l’étranger n’auront plus de problème pour adhérer à l’assurance maladie, maternité et invalidité. Comprenne qui pourra !

Compte rendu des débats:

L'amendement n° 227, présenté par M. Yung et Mmes Cerisier-ben Guiga et Lepage, est ainsi libellé :

Après l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Les cotisations prévues à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 766-1 du code de la sécurité sociale ne sont pas dues par les personnes qui formulent leur demande d'adhésion du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2009.

II. La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale résultant du I est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Par cet amendement, nous souhaitons que soit poursuivie une politique qui est déjà en place : il vise à suspendre, pour l'année 2009, l'obligation pour les Français expatriés de s'acquitter d'un droit d'entrée lorsqu'ils souhaitent adhérer à une assurance volontaire maladie-maternité-invalidité telle que celle qui est proposée par la Caisse des Français de l'étranger, la CFE, que préside notre excellent collègue M. Cantegrit.

Lorsqu'ils quittent le régime obligatoire français de la sécurité sociale, les Français expatriés ont en effet deux ans pour adhérer à une assurance volontaire. Passé ce délai, ils se voient contraints de payer rétroactivement les cotisations considérées comme dues dans la limite de deux années.

Cela représente une somme considérable. Je rappelle que beaucoup de nos compatriotes expatriés ne sont pas, contrairement à une mauvaise idée reçue et répandue, des milliardaires qui se prélasseraient sur des plages de sable fin à l'ombre des cocotiers. Ce sont des salariés normaux, si j'ose dire, qui perçoivent un salaire comparable à celui qu'ils auraient en France.

Je citerai ainsi l'exemple des bénéficiaires de la catégorie aidée de la CFE : ces personnes, dont les revenus sont inférieurs à la moitié du plafond de la sécurité sociale, soit 1 387 euros, doivent s'acquitter, dans les conditions que je viens d'indiquer, d'un droit d'entrée maximal représentant environ 1 900 euros, soit un mois et demi de salaire, ce qui est considérable.

Les pouvoirs publics, le Gouvernement et la Caisse des Français de l'étranger ont bien conscience de la situation et avaient, l'an dernier, prévu, à l'article 27 de la loi du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale, la suspension…

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pour une année !

M. Richard Yung. …pendant un délai d'un an de cette règle de rétroactivité de cotisations.

Le renouvellement de ce dispositif n'entraîne pas des dépenses du même ordre de grandeur que celles que j'ai entendu évoquer tout à l'heure, qui s'élèvent à 33 milliards d'euros. Il ne se chiffre qu'à environ un million d'euros. Peut-être M. Cantegrit pourra-t-il en préciser le montant.

Il peut être financé par la Caisse des Français de l'étranger, qui, parce qu'elle est bien gérée, a des excédents considérables: 150 millions d'euros de réserves obligatoires, destinés à financer les risques.

Je profite de l'occasion pour rappeler que cette suspension de rétroactivité devrait s'accompagner d'une augmentation de la prise en charge des cotisations pour ceux qui ont du mal à les payer, lesquels constituent la catégorie aidée. Cette dernière bénéficie aujourd'hui d'une aide de 33,33% du Gouvernement. Nous avons été nombreux à demander qu'elle passe à 50%. Cela pourrait se faire sans difficulté particulière de financement, puisque, dans la loi de modernisation sociale de 2002, a été prévue une enveloppe – à l'époque, nous comptions encore en francs – de 100 millions de francs, soit environ 13 millions d'euros, précisément pour financer ce type de dépenses.

J'ai du mal à comprendre pourquoi on n'avance pas sur cette proposition.

Mme la présidente
. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Vasselle, rapporteur. La commission a examiné avec intérêt cet amendement, mais elle s'interroge : alors qu'elle avait déjà accordé une dérogation en 2008 pour un an, une nouvelle demande de dérogation pour une année supplémentaire lui est présentée cette année ; si elle accède à la présente demande, une nouvelle demande d'exonération pour une année supplémentaire ne lui sera-t-elle pas soumise l'année prochaine ? On peut ainsi imaginer aller, au fil du temps, de dérogation en dérogation.

La commission des affaires sociales n'ayant pas estimé souhaitable de renouveler cette dérogation, elle est plutôt défavorable à cet amendement. Peut-être trouvera-t-il grâce aux yeux du Gouvernement ? La commission considère, elle, qu'il faut bien, à un moment donné, mettre un terme à la dérogation. Il n'est pas possible de la reconduire indéfiniment.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Avis défavorable, en partie pour les raisons que vient d'invoquer M. le rapporteur.

Par ailleurs, – je parle sous votre contrôle, monsieur Cantegrit – la Caisse des Français de l'étranger ne pratique aucune sélection des risques à l'égard des expatriés pour leur adhésion à l'assurance maladie. En contrepartie, les adhérents ont l'obligation de cotiser dans un délai de deux ans à partir de la date de leur expatriation.

Vous savez également que les demandes présentées après l'expiration de ce délai peuvent encore être satisfaites, sous réserve du paiement des cotisations afférentes à la période écoulée.

Cette règle semble être aussi une juste contrepartie, à laquelle une dérogation répétée ferait perdre toute sa pertinence.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Cantegrit, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Cantegrit. Je comprends tout à fait pourquoi mon excellent collègue M. Yung, Mme Cerisier-ben Guiga et Mme Lepage ont déposé cet amendement.

En effet, il est vrai que cette suspension de rétroactivité est toujours très bien accueillie par nos compatriotes Français de l'étranger qui, pour des raisons que M. Yung a très bien expliquées, souhaitent adhérer à la caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger.

Je lui rappelle que, comme M. le ministre et M. le rapporteur l'ont rappelé tout à l'heure, cette rétroactivité a déjà été suspendue pour un an, ce à l'occasion de la baisse des cotisations intéressant les salariés, intervenue après une étude d'impact extrêmement précise et sérieuse réalisée par le conseil d'administration de la Caisse des Français de l'étranger.

Cette rétroactivité a été mise en place par la loi Bérégovoy de 1984, loi dont j'ai vécu intensément l'élaboration, pour en avoir été le rapporteur ici même. Elle a été possible parce qu'il s'agit d'un système d'assurance volontaire et non pas d'assurance obligatoire.

Il n'existe pas, cher collègue Yung, de système d'assurance volontaire qui pourrait résister à une suspension de rétroactivité continuellement renouvelée. Elle ne peut être faite que de façon occasionnelle, dans une situation précise comme celle que je viens de rappeler.

Le conseil d'administration de la Caisse des Français de l'étranger n'a pas délibéré sur cette affaire. Vous anticipez des possibilités qui pourraient être soumises à un prochain conseil d'administration, ce à titre personnel, avec celles de vos collègues qui ont cosigné cet amendement.

Certains de vos proches siègent au conseil d'administration, dont je rappelle qu'il a été réélu par l'Assemblée des Français de l'étranger au mois de septembre. Il se réunira en janvier prochain. Laissez-lui le soin de réfléchir, de débattre et de déterminer les mesures à prendre !

En tant que président de cette caisse, je ne vois pas pourquoi, après une année de suspension de rétroactivité au cours de laquelle un gros effort de communication a été fait à l'étranger, nous suspendrions immédiatement de nouveau la rétroactivité.

Vous avez abordé un second point : le passage à 50 % de la cotisation aidée, qui a été instaurée par la loi de modernisation sociale de 2002 et qui est actuellement fixée à 33,33%.

Je suis très clair : je suis, comme l'ensemble des membres du conseil d'administration, d'accord pour que cette aide soit portée de 33,33 % à 50 %. En effet, nous avons été grandement déçus par la portée de cette mesure : alors qu'elle devait amener 25 000 nouveaux cotisants à la caisse, elle n'en a en fait drainé que quelques milliers.

Les temps ont beau être extrêmement durs sur le plan budgétaire, il ne s'agira pas d'une très lourde charge : cela devrait représenter 1,5 million d'euros en année pleine. Ce n'est pas une somme faramineuse.

Je répète, pour conclure, que votre première proposition ne me paraît pas d'actualité et devrait, selon moi, être soumise en priorité au conseil d'administration de la Caisse des Français de l'étranger.

Mme la présidente. La parole est à Mme Christiane Kammermann, pour explication de vote.

Mme Christiane Kammermann. J'abonde tout à fait dans le sens de M. Cantegrit. Je suis, au même titre que lui, administrateur de la Caisse des Français de l'Étranger et je voudrais vous dire que cette caisse est extrêmement bien gérée. La dérogation qui a été accordée s'est avérée salutaire, mais, s'agissant d'une dérogation, elle ne peut être maintenue d'année en année. De plus, la cotisation aidée a été merveilleusement accueillie. Je suis donc opposée à une nouvelle dérogation.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 227.

(L'amendement n'est pas adopté.)


Publié le 19 novembre 2008