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Monsieur le Président, sauvez RFI

Vous trouverez ci-dessous une lettre ouverte des personnels de RFI parue hier dans Libé.
Il est possible de signer une pétition en ligne (que j'ai moi-même signé) ici :
http://www.mesopinions.com/detail-petition.php?ID_PETITION=70bc1bc1fbc2b5b732569cd223f4adc4

Richard Yung

Monsieur le Président, sauvez RFI

Les sections syndicales FO, SNJ, CGT de Radio France internationale.

Monsieur le Président, depuis une semaine votre état-major prétend qu’il n’y a pas eu de propositions concrètes dans la grande manifestation des salariés, le 29 janvier. Et pourtant si, il y en avait au moins une : le retrait du plan social prévoyant de licencier une personne sur quatre à RFI. Cette revendication-là vous concerne directement et personnellement, monsieur le Président, car RFI appartient à 100 % à l’Etat.

Dans votre intervention télévisée vous avez déclaré que «la question de l’emploi est cruciale. Tout doit être mis en œuvre pour sauver des emplois […] Il faut tout faire pour éviter les licenciements». Bravo ! Mais alors commencez donc par donner l’exemple dans les entreprises publiques ! RFI est actuellement une exception : c’est la seule société de service public où un plan social est en cours. Il ne s’agit pas de non-remplacement de départs en retraite, comme dans la fonction publique. Ce n’est pas non plus un plan de départs volontaires, comme à France Télévision. Non, il s’agit bel et bien chez nous de gens qu’on va jeter à la rue contre leur gré, donc de casse sociale. Notre direction prétend qu’il faut en passer par là pour nous moderniser. A votre avis, licencier en pleine crise, c’est-à-dire condamner plusieurs centaines de famille à la déchéance sociale, est-ce vraiment là un signe de modernité pour une entreprise et à plus forte raison pour une entreprise publique ?

«La crise s’abat sur nous. C’est à moi de protéger les gens», dites-vous. Alors commencez donc par là où c’est le plus évident et le plus facile : chez vous. Un seul coup de téléphone de votre part suffit pour préserver l’emploi à RFI. Demandez le retrait du plan social. Vous pouvez le faire. Vous avez l’ardente obligation morale de le faire !

Si RFI devait être une exception, de celle-là nous nous serions bien passés. En revanche, nous nous singularisons avec fierté dans beaucoup d’autres domaines. Nous avons par exemple largement plus d’auditeurs, et de loin, que RTL, Europe 1, France Inter et France Info réunis. Ainsi, RFI est-elle numéro 1 dans la plus grande ville francophone du monde, à Kinshasa [république démocratique du Congo, ndlr], avec près d’un million d’auditeurs, devant toutes les autres radios locales et internationales. Le premier groupe de radio privé en France, le groupe RTL dispose d’un budget largement supérieur à celui de RFI pour une audience globale plus de deux fois inférieures.

RFI se singularise également en étant un peu plus qu’une simple société nationale de programmes. Elle est un organe de souveraineté qui fut longtemps le seul à remplir une double mission : une mission d’influence, la France devant rivaliser avec les grands médias internationaux ; et une mission culturelle, la France devant promouvoir sa langue et ses valeurs (démocratie et confrontation des opinions, droits de l’homme, défense du multilatéralisme, laïcité, diversité culturelle, art de vivre). Aujourd’hui RFI n’est plus seule. Elle est rattachée à l’Audiovisuel extérieur de la France (AEF) qui rassemble France 24 et TV 5. Le problème c’est qu’on veut déshabiller la radio pour habiller la télévision. RFI est un bel outil au service de la France et de la francophonie. Hélas on est en train de le casser. Cette voix risque de s’étrangler.

Post-scriptum. Une question subsidiaire monsieur le Président : savez-vous que RFI et l’AEF pratiquent la confusion des genres à grande échelle ? Non seulement notre directrice générale, Christine Ockrent, est l’épouse du ministre des Affaires étrangères, mais ce que l’on sait moins c’est que notre président, Alain de Pouzilhac, cumule ses fonctions avec une présidence dans un groupe de casinos exploitant vingt établissements de jeux d’argent en France. Il s’agit de Joagroupe, une société, qui plus est, à capitaux nord-américains. Alors, nous vous le demandons, monsieur le Président : n’est-ce pas choquant ?


Publié le 12 février 2009