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Projet de loi de finances pour 2010 – Mission «Action extérieure de l'Etat»

LA DISCUSSION GÉNÉRALE

Les trois sénateurs socialistes avaient préparé en commun le débat sur le budget du MAEE et s’étaient partagé les thèmes de leur intervention en discussion générale et la présentation des amendements.

L’aide sociale aux Français de l’Étranger, l’avenir de la CFE, la dénonciation de l’injustice des choix budgétaires ont été traités par Monique Cerisier ben Guiga.

La situation de l’AEFE, les problèmes de ses personnels et la difficulté de financer les bourses scolaires et la PEC ont été exposées par Claudine Lepage.

Richard Yung a évoqué les errements de la politique foncière, du réseau et du personnel du MAEE.

Morceaux choisis de leurs interventions.

1- L’aide sociale aux Français de l’Étranger  (Monique Cerisier ben Guiga)

« Pour la première fois depuis 30 ans, le budget d'aide sociale de votre ministère revient sur le principe que nous avions fait triompher dans les années 80 : la solidarité nationale fait fi des frontières. Elle s'exerce en faveur des Français à l'étranger, citoyens à part entière de la Nation.

Ce budget d'aide sociale est l'un des pires de tous ceux que j'ai eu à connaître en dix-sept ans de mandat. En une seule année, de 2009 à 2010, les crédits d'aide sociale destinés aux Français de l'étranger s'effondrent de 11,3 %. Mais, sur la moyenne période, c'est bien pire. En 2001, 900 000 Français étaient inscrits dans nos consulats qui disposaient de 17,4 millions pour l'action sociale. En 2010, 1,4 million de Français ne disposeront plus, en 2010, que de 14,8 millions pour faire face à leurs situations de détresse. Résumons : plus le nombre de Français émigrés augmente et moins la solidarité nationale s'exerce en leur faveur.

Au total, l'administration a dû réduire le nombre de bénéficiaires d'un secours de près de 10 % alors que la crise économique mondiale sévit.

On nous annonce donc cette année une suppression modulée des 242 aides en Union européenne, et surtout la baisse de 10 % du montant des allocations dans le reste du monde. »

2-  3ème catégorie aidée des Français à l’étranger (Monique Cerisier ben Guiga)

« Pour la seconde année consécutive, l'État ne participe au financement de la catégorie solidaire de la Caisse des Français de l'étranger (CFE) qu'à hauteur de 500 000 euros. Créée par la loi du 17 janvier 2002, sous le gouvernement Jospin, cette modalité d'adhésion à l'assurance maladie a bénéficié à 8 000 assurés et leurs ayants droit. Ainsi, sans avoir abrogé la loi, sans avoir revu le décret d'application, le Gouvernement cesse d'appliquer la loi votée et promulguée. En somme, sans le dire, le Gouvernement rouvre le dossier. Eh bien, « Chiche ! ». Oui, il est temps d'évaluer le dispositif : combien coûte-t-il à la CFE ? Combien coûte-t-il à l'État ? Combien coûte-t-il en salaires d'agents consulaires ?

Il est temps que le ministère des affaires étrangères demande à la direction de la sécurité sociale d'effectuer l'audit qui nous éclairerait. On peut modifier le dispositif pour rendre sa gestion moins coûteuse. L'essentiel est de protéger nos compatriotes contre le risque maladie. On pourrait étudier une quatrième catégorie d'adhérents, dont les cotisations seraient assises sur le tiers ou le quart du plafond de la sécurité sociale. »

3- AEFE (Claudine Lepage)

a- Les charges immobilières

« La situation financière de l'Aefe est extrêmement préoccupante. Sa dotation pour 2010 s'établira à 420,8 millions d'euros au titre du programme « Rayonnement culturel et scientifique », auxquels s'ajoutent 106 millions pour l'accès des élèves français au réseau. Compte tenu des charges nouvelles, plus nombreuses chaque année, il manque 10 millions.

Je rappellerai que fin 2003 la compétence immobilière a été transférée à I'Aefe sur les établissements en gestion directe, sans dotation budgétaire supplémentaire. »

b- Les charges salariales

« Fin 2007, les cotisations patronales des personnels détachés, dont l'Aefe était jusqu'à présent exonérée, lui ont été transférées avec une compensation partielle de l'État. Pour 2010, le surcoût est de 13 millions d'euros. En conséquence, il faudrait réduire les effectifs du personnel expatrié.

Onze postes ont été concernés en 2009, 80 le seraient en 2010. Du fait de la sous-estimation des indemnités de vie locale des personnels résidents, des problèmes de recrutement commencent à se poser. »

c- Bourses scolaires et PEC

« Depuis 2007, la prise en charge des frais de scolarité (PEC) grève le budget de l'agence de plus de 40 millions d'euros. Cette mesure, chère au Président de la République, prévoit la gratuité de la scolarité pour les lycéens français quels que soient les revenus de leur famille et le tarif de la scolarité. L'explosion des frais de scolarité évince les élèves étrangers.

Cette hausse se répercute également sur les demandes de bourse.

Les 106 millions prévus ne suffiront pas : il manquera près de 7 millions d'euros. L'Aefe sera donc contrainte de durcir les critères d'attribution des bourses, ce qui pénalisera les familles à revenus moyens. La profonde iniquité de la PEC, ses effets pervers et le fatal déséquilibre qu'elle provoque ont été dénoncés par les parlementaires socialistes, et ce sentiment est partagé par nombre de nos collègues. »

4- La gestion foncière et du personnel du ministère (Richard Yung)

a- La politique foncière

« En matière de politique foncière, le ministère est parti dans des dérives épouvantables, à la manière de ces fils de famille du XIXe siècle qu'on met sous tutelle parce qu'ils vendent le château familial pour payer des danseuses.

L'affaire a commencé avec le funeste contrat dit de modernisation, en réalité d'étranglement, que le ministère des affaires étrangères a signé avec celui du budget en 2006. On vous avait dit alors, monsieur le ministre : vos crédits immobiliers baissent mais si vous vendez vos bijoux de famille, le produit sera versé sur un compte d'affectation spéciale dont vous pourrez user à votre guise. Le principe était discutable, la réalité l'est encore davantage, qui dépasse la fiction.

En 2007, vous en avez vendu pour 53 millions d'euros, pour 19 millions en 2008 -je n'ai pas les chiffres de 2009. Sur ces 72 millions, vous n'en avez touché que 7 !

Bercy vous a bel et bien étranglé ! Et vous le serez encore plus demain avec la croissance exponentielle des loyers budgétaires. Alors, monsieur le ministre, montez un commando, saisissez vos armes et allez à Bercy remettre les choses en place ! Les Français de l'étranger sont les premières victimes de cette situation, mais ils ne sont pas les seuls.»

b- La notion d’universalité du réseau à remettre en cause

« Un mot du réseau. En huit ans, nous avons perdu six ambassades et vingt consulats ou consulats généraux. Je me réjouis de l'ouverture d'une nouvelle ambassade à Dili, capitale du Timor oriental...

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.  - C'est une ambassade européenne !

Mais nos relations diplomatiques et économiques avec ce pays imposaient-elles qu'une équipe de dix personnes s'installe sur place ? Notre ambassadeur en Papouasie pouvait très bien prendre l'avion de temps à autre... L'idée qui vous obsède de l'universalité du réseau est contraire au bon sens. Et nous, élus des Français de l'étranger, nous plaignons régulièrement de ne jamais être consultés ni informés de l'évolution de notre réseau.

Il ne serait pas inconcevable de réunir une fois par an la commission de l'Aefe et les sénateurs des Français de l'étranger pour dire ce que sont vos intentions. Les préfets ne font pas autre chose en France ! »

c- Réduction d’effectifs – Surmenage

« La réduction des effectif -560 équivalents temps plein supprimés en trois ans- atteint son point limite. Je connais de près le dévouement des personnels, en particulier dans les petits postes : ils travaillent le soir, le samedi, le dimanche, parce que c'est le seul moyen de maintenir le système. Mais on est au bord du collapsus !

Faut-il maintenir les usines à gaz que représentent les services de délivrance des visas dans certains de nos consulats ? Celui de Moscou occupe au moins vingt agents pour délivrer 350 000 visas.

Qu'en est-il, monsieur le ministre, de la coopération consulaire communautaire ? Comme sœur Anne, je ne vois rien venir... Pourquoi pas des bureaux communs de délivrance des visas Schengen ?»

LES AMENDEMENTS

Aux déclarations solennelles du débat général a succédé la discussion sur les amendements. En loi de finances, ceux-ci consistent à déplacer des crédits d’un poste de dépense vers un autre.

Les amendements les plus susceptibles d’être adoptés sont déposés au nom de l’une des commissions permanentes, qui les a déjà votés. Les autres amendements sont déposés par des sénateurs sans avoir été discutés auparavant. 

La mesure de prise en charge a suscité :

  • Un amendement instituant le plafonnement de la PEC présenté par M. Gouteyron au nom de la commission des finances et sur lequel la commission des Affaires étrangères avait donné un avis favorable.
     
    Malgré l’avis défavorable du gouvernement et la tentative de M. Longuet, Président du groupe UMP, malgré les prises de position hostiles de Robert-Denis Del Picchia et Christian Cointat, l’amendement est adopté avec le soutien des sénateurs socialistes. Il permettra d’encadrer les dépenses liées à la PEC dans une fourchette compatible avec les autres dépenses de l’AEFE.
     
  • Un amendement rétablissant 10 M€ de l’aide à la scolarité supprimés par l’Assemblée Nationale.
     
    Cet amendement présenté par Robert-Denis Del Picchia avait reçu un avis défavorable de la commission des Affaires étrangères qui défend le principe du plafonnement. Il avait le soutien du gouvernement. Il a été adopté avec une partie des voix de la droite et l’abstention des socialistes. Notre hostilité à la PEC ne devait pas nous faire approuver une suppression de crédit qui aurait aussi frappé les bourses.

Les charges immobilières de l’AEFE

  • L’amendement présenté par Claudine Lepage et Richard Yung, qui proposait le transfert de 10 M€ des crédits des contributions volontaires aux organisations internationales vers l’AEFE, a été rejeté, en raison de l’impossibilité diplomatique pour la France de diminuer ces contributions.

L’aide sociale aux Français de l’Etranger a donné lieu à quatre amendements.

  • Deux d’entre eux, identiques, avaient été présentés par les rapporteurs en commission des Finances et des Affaires étrangères, Adrien Gouteyron et Monique Cerisier ben Guiga, et adoptés.
     
  • Deux ont été présentés par Claudine Lepage et Richard Yung d’une part, et Christian Cointat de l’autre. 
     
    Les amendements Gouteyron-Cerisier ben Guiga- ont été votés,
    après le retrait de ceux de leurs collègues, malgré la réticence du gouvernement.

Caisse des Français de l’Etranger.

  • Jean-Pierre Cantegrit et Christiane Kammermann ont demandé 2 M€ pour le financement de la 3ème catégorie aidée, arguant de sa disparition faute de crédits. Mais ces deux millions sont prélevés sur les crédits d’aide à la scolarité de l’AEFE et seront gagés sur le plafonnement du remboursement.

Cet amendement a été voté contre l’avis du gouvernement. Les sénateurs socialistes, qui ne veulent pas voir disparaître une mesure du gouvernement Jospin favorable aux Français de l’Etranger, ne s’y sont pas opposés. En effet, ils soutiennent la 3ème catégorie aidée mais ils estiment que le prélèvement de crédit sur l’AEFE est une erreur.
 
Les sénateurs socialistes et communistes ont rejeté l’ensemble du budget du MAEE. Les sénateurs UMP l’ont approuvé. Le sort définitif des amendements se décidera lors de la seconde délibération, mardi 8 décembre. On peut craindre que le gouvernement réédite le mauvais coup de 2008 : il déposerait des amendements de suppression sur tous les amendements votés contre son avis et contraindrait le sénat à un vote bloqué : la majorité UMP suivrait, comme d’habitude. Espérons tout de même que la rallonge de crédit de 1,5 M€ pour l’aide sociale échappe à ce couperet.

Vous pouvez consulter l'intégralité des interventions des trois sénateurs, sur le site du Sénat :


Publié le 03 décembre 2009