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Le prix de l'expatriation

Article publié dans Les Echos des 5 et 6 octobre 2007

Pour reconstituer une carrière internationale, mieux vaut s'y prendre longtemps à l'avance et se faire aider.

Soyez mobiles, allez à l'international! Des milliers de salariés ont répondu à cet appel. Et il le fallait bien, pour que les entreprises gagnent la bataille de la mondialisation. Mais quand ils approchent de la soixantaine, bon nombre de collaborateurs finiraient par regretter de ne pas être restés sédentaires, tant la reconstitution de leur carrière s'apparente à une enquête d'Interpol!

Les expatriés découvrent des chicanes qu'ils n'auraient jamais imaginées. Leur situation n'est certes pas inextricable. Mais pour s'en sortir, mieux vaut s'y prendre suffisamment tôt et se faire aider. Après une carrière consacrée aux ressources humaines dans une multinationale, Sylviane Aguirre a créé son propre cabinet de protection sociale. Elle dépanne des managers internationaux désemparés par les obstacles qu'ils rencontrent dans leur quête de trimestres. Rares sont en effet les spécialistes qui naviguent avec aisance dans les méandres de la législation, des décrets mais aussi de la philosophie de la Sécurité sociale. Car en la matière, elle est souveraine.

« Tout d'abord, rappelle notre conseillère, tout collaborateur appelé par sa maison mère à travailler dans une filiale à l'étranger se met à cotiser aux charges sociales du pays où il est nommé. » Mais pour l'expat', il en va de même que pour ses collègues restés en France. Le droit de partir à taux plein reste conditionné par les mêmes chiffres butoirs. A savoir 160 pour les personnes nées en 1948 ou avant et 164 pour celles nées après 1952. Il s'agit du nombre de trimestres requis.

Concrètement, cela signifie que pour les périodes engrangées au Gabon, aux Etats-Unis ou en Allemagne, il va falloir aller les chercher. Pas toujours simple quand on a changé plusieurs fois d'employeur, voire de statut. Or chez un cadre qui n'a pas eu peur de voyager, il n'est pas rare de le voir passer de salarié à entrepreneur ou consultant. Certains compliquent même leur cas en consacrant plusieurs années à une ONG en qualité de fonctionnaires internationaux. Leurs cotisations se sont alors éparpillées. II n'est pas dit qu'ils puissent les retrouver toutes.

« La validation d'un maximum de trimestres devient donc de plus en plus importante », poursuit Mme Aguirre. Cette obligation sera même cruciale à l'avenir. En effet, sans être cassandre, il est à parier que l'âge légal de la retraite sera reculé. Dès lors, les occasions de creuser des trous dans sa carrière vont se multiplier mécaniquement. Du même coup, l'accumulation de trimestres manquants va être encore plus pénalisante.

Rachat de trimestres
Que faire alors ? Bien sûr, il y a la solution de cotiser à la Caisse des Français à l'étranger. II existe aussi la possibilité, prévue par la loi Fillon de 2003, de racheter des trimestres d'années d'études supérieures. Mais avant de recourir à cette option coûteuse, mieux vaut d'abord épuiser l'arsenal des possibilités offertes. En particulier, l'opportunité des « périodes reconnues équivalentes », autrement appelées les PRE. Selon le texte qui les régit, ce sont des « périodes d'activité professionnelle antérieures au 1er avril 1983 qui peuvent, ou auraient pu, donner lieu à rachat de cotisation d'assurance-vieillesse au titre d'un régime de base obligatoire ». Mais attention, seul le régime général est compétent pour valider ces périodes. II faut donc écrire à la Caisse nationale d'assurance-vieillesse, en prenant bien soin de retrouver les preuves d'une vie professionnelle hors de France avant 1983. L'idéal est de joindre des photocopies des bulletins de salaire de l'époque.

Ensuite, il convient d'étudier le rachat de trimestres passés à l' étranger. Drôle d'idée a priori puisque l'on a cotisé! Simplement, soulève la spécialiste des retraites, il faut savoir ceci : « Lorsqu'elle analyse la carrière d'un particulier pour calculer le taux de pension de ce dernier, la CNAV ne retient que la période la plus longue passée à l'étranger. » Un cadre de la finance peut donc avoir travaillé six ans dans la City et dix ans à Wall Street, seule la période américaine sera prise en compte pour déterminer le montant de sa pension. Pour faire réapparaître les années londoniennes, éventuellement intéressantes d'un point de vue financier, il est peut-être plus judicieux de les racheter, plutôt que d'utiliser la loi Fillon afin de reconstituer les trimestres passés sur les bancs de Dauphine ou d'HEC. D'autant que la procédure est moins coûteuse : « Le prix est fonction de l'année qu'on rachète, précise Sylviane Aguirre. Concrètement, plus c'est ancien, moins c'est cher. »

Mais, bien évidemment, il faut être en mesure de prouver ces trimestres de cotisation. D'où l'importance de conserver toute sa vie ses bulletins de paie.                                           F. L. B.


Publié le 09 octobre 2007