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BIP n° 28 - Guerre par procuration - 02/08/2006

« Les enfants représentent au moins 1/3 des 600 victimes au Liban. Une guerre qui fait plus de victimes chez les enfants que chez les hommes armés est une guerre qui a pris un très mauvais tournant ».Voilà ce que déclarait Jan Egeland, envoyé de l’ONU, en découvrant une situation « pire que ce qu’il croyait » à Beyrouth le dimanche 23 juillet. Que dire une semaine plus tard, après le second massacre subi par le village de Cana ? J’étais allée à Cana avec Roger Jawish et nos camarades de L’ADFE - Liban en 2000. Je m’étais recueillie sur le site du massacre de 1996, jouxtant le poste d’observation de l’ONU où des familles paysannes de la région avaient crû trouver refuge. A terre, des tétines, des vestiges de chaussures, de jouets d’enfants et les traces de l’incendie : l’horreur.

Face à des bombardements aériens massifs, il n’y a pas de refuge. Les civils sont les premières victimes de la nouvelle guerre en gants blancs, celle où les tueurs ne se mettent pas de sang sur les mains, bien au propre à l’abri de la technologie aéronautique la plus avancée. Ils n’en sont pas moins des tueurs, au même titre que les lanceurs de roquettes. Quel nom porte le fait de semer la terreur chez 3,5 millions de Libanais pour réduire une milice de quelques milliers d’hommes ?

Le scandale de cette guerre, celui qui frappe en premier l’esprit, c’est en effet la démesure, une telle disproportion entre l’agression et la riposte que cette dernière, justifiée au départ, perd son sens et, in fine, son efficacité. En quoi la pérennité de l’État d’Israël et la sécurité des Israéliens sont-ils renforcés, à moyen terme par ses représailles quotidiennes contre les Palestiniens, par la construction du mur au cœur de la Cisjordanie, par l’emprisonnement d’un millions et demi de personnes entassées à Gaza, par la misère insupportable créée par bientôt 40 ans d’occupation militaire, par la colonisation et, depuis le 12 juillet, par la destruction méthodique du Liban ?

Mais est-ce de la sécurité d’Israël qu’il s’agit ? Non. Le second scandale de cette guerre est en effet qu’elle soit une guerre par procuration, une manipulation à grande échelle. Les États-unis et l’Iran se font la guerre par armée israélienne et Hezbollah interposés sur un champ de bataille, le Liban, densément peuplé de 3,5 millions d’habitants. Ne soyons pas dupes : l’armée israélienne emploie les mêmes méthodes que l’armée américaine en Irak, elle est financée, équipée et pourvue quotidiennement de munitions par les États-unis. Le Hezbollah l’est par l’Iran et accessoirement par la Syrie. Chacun a ses raisons propres d’en découdre mais ni les Israéliens ni les Arabes ne gagneront rien à cette guerre atroce. Les États-unis sont prêts à ses battre jusqu’au dernier Israélien pour la défense de leurs intérêts stratégiques et énergétiques au Moyen-Orient. L’Iran se battra jusqu’au dernier Libanais pour assurer sa prééminence régionale.

Il faut d’urgence obtenir la fin des bombardements et des tirs de roquettes afin de préserver les civils et pour que le Liban ne soit pas précipité, malgré tous ses efforts, dans un chaos à l’irakienne.

Monique Cerisier-ben Guiga
Sénatrice représentant les Français établis hors de France


Publié le 02 août 2006